Somaliland : RSF condamne la détention secrète et les violences subies par trois journalistes

Arrêtés lors d’un raid des autorités dans les locaux de Maan Media TV le 6 janvier, trois membres de la chaîne privée ont été torturés par les forces de sécurité du Somaliland, selon l’Union nationale des journalistes somaliens (NUSOJ). RSF demande aux autorités de révéler le lieu de détention du directeur de la chaîne, seul journaliste encore emprisonné, et exige sa libération immédiate.


Mise à jour du 18/01/2023 : Le directeur de MM Somali TV Mohamed Ilig a été amené à la prison centrale de Hargeisa le 15 janvier, après avoir passé deux jours  au département des investigations criminelles. Le 13 janvier, Il avait été présenté devant le tribunal militaire de Hargeisa, une première pour un journaliste au Somaliland. En outre, Mohamed Ilig n'a eu droit à aucune représentation légale dans cette procédure totalement inique dont il fait l’objet.


 

Détention secrète et torture du directeur, d’un journaliste et d’un technicien d’un média. Le bilan du raid opéré par les forces de sécurité du Somaliland – État autoproclamé indépendant de la Somalie et non reconnu par la communauté internationale – dans les locaux de la chaîne privée Maam Media TV (MM Somali TV) le 6 janvier à Hargeisa, la capitale régionale, est effarant.

Alors que le directeur, Mohamed Abdi Sheikh (communément appelé Mohamed Ilig) est toujours détenu au secret par des services de renseignement, le reporter Mohamed Abdi Abdullahi et le technicien Ilyas Abdinasir ont eux été libérés le 9 janvier. L’Union nationale des journalistes somaliens (NUSOJ) affirme qu’ils ont subi des actes de torture.

Le raid a eu lieu au moment où Mohamed Ilig animait un débat, diffusé en direct sur X (ex-Twitter), portant sur l’accord signé entre l’Éthiopie et le Somaliland relatif au port de Berbera, au bord de la mer Rouge. Plus tôt dans la journée, le ministre de l’Information du Somaliland, Ali Hassan Mohamed, avait, lors d’une réunion privée, mis en garde les journalistes indépendants et les médias privés contre tout traitement des questions liées à cet accord, en leur conseillant notamment de ne pas couvrir les réactions diplomatiques et les manifestations publiques. Cependant, l’administration du Somaliland avait donné son accord au directeur de l’Agence pour les affaires humanitaires et la préparation aux catastrophes, Faysal Ali Sheikh, pour qu’il participe au débat de la chaîne en tant qu’invité en faveur de l’accord. Mohamed Ilig avait, en outre, prévenu les responsables de la région avant le début du débat.

D’après les informations recueillies par la NUSOJ, les responsables du Somaliland auraient été offensés par l’orientation prise par le débat sur MM Somali TV. Contacté par RSF, le ministre de l’Information du Somaliland n’a pas répondu aux demandes d’interview. “Les renseignements du Somaliland ont deux objectifs, fermer MM Somali TV et faire comprendre aux journalistes qu’il vaut mieux rester silencieux.”, estime Omar Faruk Osman, secrétaire général de la NUSOJ. Cinq jours après ce raid, le siège de MM Somali TV est, lui, toujours fermé.

Le raid opéré par les forces de sécurité du Somaliland est un acte arbitraire et irresponsable, qui met en grand péril l’une des seules chaînes indépendantes du pays. Les médias doivent être en mesure d’aborder l’actualité politique du pays sans représailles, y compris lorsqu’elle déplaît aux autorités. La détention au secret, dépassant tout cadre légal, des trois employés de MM Somali TV et les graves violences qui leur ont été infligées sont intolérables et ne doivent pas se reproduire. Cinq jours après son arrestation, Mohamed Ilig est toujours détenu dans un lieu inconnu. RSF demande sa libération immédiate.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Mohamed llig est régulièrement dans le collimateur des autorités judiciaires. Il avait été arrêté le 13 avril 2022, puis condamné le mois suivant à 16 mois d’emprisonnement pour avoir couvert une émeute ayant éclaté à la prison centrale de Hargeisa, au cours de laquelle 15 journalistes avaient été interpellés. Le directeur de MM Somali TV avait été libéré sur grâce présidentielle après 82 jours de détention. 

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